Un être d'exception

Publié le par FLO


 Un soir d'automne j'ai fait sa connaissance. Il m'a tout de suite fait penser à mon  grand-père: un visage doux, souriant, ouvert. Par la suite j'ai découvert ses qualités: intelligent, patient, toujours prêt à rendre service, ne sachant que faire pour être agréable. A cette époque il avait de multiples activités. En dehors de son état d'instituteur- directeur, il assumait la charge de secrétaire de mairie, s'occupait de la Mutuelle Agricole, était correspondant de la Nouvelle-République, présidait le club de football dont il avait été le premier à remettre sur pied les équipes, montait avec les anciens élèves des pièces de théâtre - en général des comédies de Labiche ou Feydeau - jouées à Noël lors de séances récréatives, participait à la confection des décors (que de fous rires on a pu attraper au moment des répétitions !)


Avec l'argent récolté il organisait des voyages tous les deux ans: l'Alsace, le Pays Basque, les Alpes, la Suisse, la Bretagne...ont notamment laissé leurs empreintes dans les coeurs de tous ces jeunes dont c'était presque toujours la première sortie.



 Bien que n'étant pas du même bord - il était agnostique - il entretenait de cordiales relations avec son voisin, le curé de Villaines. Comme ce dernier présidait le patronage qui chaque année donnait aussi un concert avec pièces de théâtre, tous deux se mettaient d'accord ( à l'insu de leurs ouailles respectives ) sur le prix du billet d'entrée et des délégations de jeunes des deux associations assistaient aux spectacles en tir croisé ( un remake de Don Camillo ? )
 Son enfance dans le sud du département n'avait pas été bénie des dieux... Seule sa maman l'élevait; il n'a que peu connu son père, mort au combat en 1917. Malgré les difficultés, il réussit son cursus scolaire et grâce aux sacrifices consentis par sa mère, devient instituteur. Quelle promotion pour cette époque !
 Touché à son tour par la guerre, il aide de son mieux ses contemporains, leur fournit des tickets d'alimentation au nez et à la barbe des occupants, participe aux actions de la Résistance, côtoie plusieurs fois le peloton d'exécution...
 Après trente-cinq années passées à l'école de Villaines, il prend une retraite bien méritée à cent mètres de son lieu de travail. Comme Candide il cultive son jardin...et l'art d'être grand-père. Les petits-enfants avaient une véritable adoration pour ce pépère qui n'élevait jamais la voix et répondait toujours à leurs attentes. Quelle que soit la nature de leurs difficultés, c'était le même refrain: "on va demander à pépère". Réparer le vélo, couvrir les bêtises, tenir compagnie en racontant des histoires et en jouant avec eux.
Servir d'ange gardien pendant l'absence des parents, telle était sa devise.
 Et nous, les parents n'étions pas les derniers à nous adresser à lui. Personne ne savait mieux que lui arbitrer les conflits et mettre de l'huile dans les rouages. Toute sa vie il a été à notre écoute et le jour de sa mort - très rapide comme pour Claude - nous nous sommes sentis orphelins. Nous avons eu du mal à re fréquenter les endroits qu'il affectionnait: les bords de l'Indre par exemple, où il avait son "coup de pêche" et venait se reposer loin de tout;  l'atelier au sous-sol où il aimait bricoler; la salle à manger avec le fauteuil dans lequel il s'installait pour regarder la télé; le rucher qu'il entretenait avec amour...


 Pour les abeilles, c'est Claude qui avait repris le flambeau - Pierre étant trop occupé- et après lui Mickaël s'y intéresse. Ce dernier aime également le foot et la pêche. Est-il possible qu'un  fil invisible le relie à son arrière-grand-père ? Après l'immense déchirure qu'il vient de connaître, il semble se reconstruire et se raccommoder avec la vie. Je lui parle de ses antécédents. Florence, bien sûr; Claude avec qui il aimait bien bricoler et pépère qu'il n'a pas connu, l'idole de ses mère et oncle...

Publié dans PROSE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article